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Joyeux Anniversaire
--> Aux disparus
Vendredi 27 mai, il est 15H, Paris s'ébauche.

Près du métro Bastille, sur un pont qui ne mène nulle part, un adolescent marche à longue foulées. A peine sorti de l'enfance, pas encore un adulte, il en a pourtant les cheveux ébouriffés et la barbe naissante. Il est grand, brun; ses doigts longs et fins.
Ses pas résonnent sur le bois, s'étouffent sur le bitume, soupirent sur le macadam qu'il traverse en courant, un grand sourire aux automobilistes qui viennent de démarrer et occupent l'instant d'après l'espace qu'il prenait l'instant d'avant dans une avenue bordée par des marchés aux mille senteurs. Le voilà qui se glisse entre deux camions frais et blancs aux odeurs l'un de poisson, l'autre de fruits. Il remonte une rue toute parisienne avec ses pavés bombés, ses chariots à musique qui descendent la rue en jouant de l'accordéon, ses gosses qui courent pour ramasser les pièces de monnaie que lancent les habitants aux fenêtres penchés, ses terrasses ou flânent touristes et désœuvrés, ses serveurs en livrée noire qui s'agitent comme autant d'insectes sur une carcasse dorée au soleil. Un pied devant l'autre, une pirouette, trois petits sauts.
Soudain il semble vaciller, s'effondrer entre deux tables. Le voilà penché comme un madrier, comme la tour de Pise; qui s'est rattrapé de la main sur une grande porte de bois verte et salue les curieux d'une grande révérence de l'autre. Avec un léger fléchissement et une petite poussée le revoilà d'aplomb. D'un pas de côté il rejoint le perron évasé en pierre taillée. D'un geste brusque il dégaine trousseau d'un pend une antique et grande clef rouillée qu'il introduit dans la serrure. Avec une petite saccade de l'épaule et une remontrance du poignet il fait jouer les ressorts de la boite à musique, mais le déclic ne se fait. La porte ne bouge pas. Il enfonce donc sa clef plus loin encore, tente de lui faire toucher le plafond en abaissant la main, la fait doucement revenir vers lui jusqu'à ce qu'elle cale. Là. Un geste doux, une petite torsion, et voilà que le bois soupire d'aise pour découvrir un petit couloir au sol carrelé et aux murs pelés. A droite, avant une porte-fenêtre ornée de rideaux faits-main se trouvent des cageots en fer forgé, semblables à douze gueules d'enfers béantes et froides. Il glisse deux doigts dans une fente métallique, farfouille un instant, ne trouve rien; puis s'en va d'un claquement de talons.
Au bout du couloir, dans un espace circulaire, se trouve un escalier en colimaçon aux marches défoncées, creusées par les années et les pas incessants des habitants. Deux rambardes l'encadrent; vermoulues, cirées, brillantes. D'un bond le voilà passé du couloir sur la première marche. D'un bond, il se propulse allègrement, gobe les marches deux à deux, aspire une rambarde de sa main et se projette vers l'avant. Les étages défilent dans sa course effrénée, plus vite, toujours plus vite.
Enfin, ça y est, cinquième étage, le voilà arrivé. Cinquième étage, deuxième droite. Il fait jouer le trousseau qui n'a pas quitté sa main, attrape un petit crocodile à dents de scie et le fait coulisser dans l'obscur petit trou que cachent les toilettes privatives sur pallier, comme les appelle sa propriétaire.

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La porte joue des gonds et commence son année 1789, le soleil coule de la fenêtre comme une inondation qui s'étendrait lentement  pour s'agripper aux chevilles des invités, les en faire prisonniers, les retenir conte leur gré. C'est ainsi qu'on se prend à lézarder dans le jardin d'un ami jusque tard dans la nuit, alors qu'aux petites heures du matin un patron pas vraiment serein nous attend à cent bornes de là, un œil sur l'horloge et un doigt sur le coude.
Le trousseau toujours à la main, il caresse le papier-peint jusqu'à butter sur un interrupteur, qu'il actionne nonchalamment. Une espèce de grosse coccinelle noire ouvre son unique œil rectangulaire bleu et commence à débiter quelques notes d'accordéon. Une valse parisienne emplit l'air doux et chaud, un peu lourd, de l'unique pièce devant laquelle il se tient timidement. Une main appuyée contre le mur il retire ses chaussures du bout des doigts de pied, sans défaire les lacets, et les laisse là, avachies sur le sol tressé couleur paille et miel ; gardiennes somnolentes d'un temple d'une autre nature. Il avance d'un pas félin et révérencieux vers le canapé solitaire coincé dans un renfoncement du mur, à côté des tuyaux de cheminées ; joue des épaules et se débarrasse d'un sac brun en toile qui viens se poser lourdement sur un bord, tête la première. Une bouffée de poussière s'élève et retombe, flottant dans le soleil comme autant d'abeilles dansant dans le ciel sans fond. Le rejoint une veste de cuir brune qui tintinnabule comme un papillon de ses maigres ailes atrophiées.
Hésitant, il va à la fenêtre. Le Grand Paris s'étale sous ses yeux comme sa dernière prise s'offre à son conquérant. La voilà couchée à ses pieds, la grande, la magnifique, la luxurieuse Paris. Offerte à lui comme ce ciel bleu ou les nuages n'en finissent pas de fuir vers l'horizon. Les toits s'abrasent tandis que le soleil commence à choir de son perchoir. C'est le début du soir, quand la lumière blanche prend une teinte jaune, que de violente elle devient chaleureuse, qu'elle finit de heurter pour enfin caresser.
Il glisse une main vers ses fesses enserrées dans un De Nîmes bleu, plonge dans la poche, son pouce grattant le rivet tandis que ses longs doigts de pianistes accrochent deux petites boites. Il les sort toutes deux, tapote le cul de l'une avec l'ongle de son pouce et en fait sortir une cigarette qu'il coince entre ses lèvres amincies, puis la pose en équilibre sur le dossier d'une chaise qui passait par là, droite comme un empereur sur ses quatre fers. D'un geste sec il ouvre son Zippo. L'étincelle fuse, l'odeur lourde du pétrole et de l'huile qui imbibent la mèche montent jusqu'à ses narines. Il rapproche la flamme vacillante de son nez, fait claquer l'opercule puis glisse silex et amadou dans la poche dont ils s'étaient enfuis.

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La fenêtre ouverte, assis sur le chambranle, un pied dans le vide et un pied sur le mur ; soufflant de petits nuages dans l'azur éternel, mes yeux regardent mais ne voient pas. C'est drôle comme j'ai retrouvé le chemin sans coup férir. Comme la porte d'entrée n'a pas changé, il faut toujours négocier le droit de passer. Le soleil est toujours le même à cet endroit, n'est-ce pas ? Et si je regardais vers le bas, y verrais-je cette splendide maison en bois et son jardin plein de fleurs exotiques ? Sa piscine aux eaux bleues et ses grandes baies vitrées ? Son atrium et ses bacs à champagne ? Ce soir, lorsque le soleil sera bas, y entendrais-je la plèbe y faire la fête ?
Il y a un an, c'était ton anniversaire. Hier, mon aide de camp m'a lu la missive de ton notaire. Il y a un an, je te connaissais. Hier, voici ce que tu me léguais. Il y a un an tu me disait que tu me haïssais, que tu ne voulais plus jamais entendre parler de moi, que plus jamais tu ne voulais me voir, moi qui mourait de te regarder. Hier, j'étais ton seul dépositaire.
C'était si facile de partir fâchés. Du moins, tu étais fâchée. Moi je ne l'étais pas, je comprenais. Mais tu comprends, toi, que c'est toujours plus facile d'en vouloir que d'aimer ? De tenir rancœur que de pardonner ?
Je n'ai jamais fumé, tu sais. Et toi non plus, d'ailleurs. Mais ce qu'il faut bien avouer, c'est que tu me donnes de l'espoir. Si l'on est partis fâchés et que tu fais de moi l'unique héritier, alors peut être que la mort, plutôt que de nous séparer, nous réunis. Il n'y a rien de plus sûr que fumer tue, puisque tout le monde le dit. Alors c'est pour te rejoindre que je vais m'en griller une.

Joyeux anniversaire.
Ecrit par Mr Freeze, à 14:39 dans la rubrique "Secrétaire".



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