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Intimités dévoilées

Intimités fraiches
Il a les yeux de son Œdipe.
--> Dancer in the dark
J'ai une secrète admiration et une grande fascination pour les aveugles.

Et les daltoniens.
L'être humain utilise quasi-principalement ses yeux pour se déplacer dans ce qu'il définit comme sa réalité. On a besoin d'yeux et de distinguer les couleurs pour savoir si le feu est vert ou rouge, pour lire le nom des rues, pour repérer un rond-point significatif sur un plan, pour voir arriver la voiture et décider de ne pas traverse, pour déceler des indices dans l'expression de ceux qui nous parlent afin de compléter leur phrases par la mesure de sarcasme que leur demi-sourire verse sur l'expression comme un coulis de caramel sur une île flottante.

Bien qu'à un niveau bassement biologique nos photorécepteurs soient tous différents et par conséquent notre perception du même objet est différente, deux personnes (non daltoniennes) ne pourront que se mettre d'accord sur le fait qu'une pomme du cultivar Granny Smith est verte.
Mais qu'en est-il du daltonien ?
J'ai appris qu'un ami était daltonien lorsque, au cours d'une fête chez lui, son fils lui dit qu'il avait une tâche sur le pantalon. "Ketchup ou mayonnaise ?" s'est-il empressé de répondre. Non pas pour faire rire, même si la formulation reste comique, mais bien parce qu'à ses yeux il n'y avait pas de différence, ou elle était insignifiante.
On dit que certains daltoniens confondent les couleurs, et j'ai un ami qui ne peut distinguer le vert (ou était-ce le bleu ?) du rouge. Mais on dit aussi que certains voient uniquement en nuances de gris. Tout cela est fonction des cônes et bâtonnets disponibles dans les yeux des gens (ce fameux niveau bassement biologique) et de leur arrangement ou absence.

Et bien qu'il y ait nombre de situations que l'on pourrait inventer avec ces simples données - "Je t'avais demandé de m'imprimer cette cartouche en bleu lagon, pas en lagon bleu ! tu fais une piètre infographiste ma petite..." - ce n'est pas ça qui me fascine. On dit aussi que les eskimaus ont des centaines - voire des milliers - de mots pour décrire la neige en fonction de si elle est dans le ciel, sur le sol, poudreuse, craquante, fondante, à demi fondue... et que les touaregs en font autant pour le sable.
Alors je me demande, avec toutes ces foutues conneries de palettes et de nuanciers pour la chambre de bébé, ce qui se passerait si on arrivait à se brancher sur un cerveau daltonien pour créer un nuancier sans couleurs.
En y réfléchissant un instant, je parlais de nuances de gris, mais c'est faux. Le gris est une couleur. Le noir l'est aussi, plus ou moins, selon la définition que l'on se fait du mot "noir" ou du mot "couleur" ou même du mot "définition". Enfin bref. Il n'y a pas de nuances de gris pour un daltonien parce que, dans le cas ou il ne possède pas de cônes (responsables de la différenciation des couleurs), ce qu'il perçoit n'est pas du gris mais une intensité lumineuse. Et quand bien même il aurait une formation scientifique, plutôt que de dire "c'est du gris béton ici et du gris voiture là", il ne serait au final capable de dire (en essence) que "c'est de l'intensité lumineuse voiture et de l'intensité lumineuse béton".
Ouvrez les yeux de nouveau et regardez autour de vous. Essayer d'imaginer cette étagère de la même couleur que les DVDs qui y reposent. Que cette peinture qu'à fait votre nièce soit un Camaïeu de profondeurs et de couches plus ou moins épaisses, plus ou moins absorbantes de la lumière environnante. Comme ces espèces de plaques qu'on trouve dans les céréales des enfants de cousine Berthe les grandes oreilles, gravées de telle façon que lorsqu'on les place entre son œil et une source lumineuse, elles montrent une images monochrome.
Monochrome, en voilà un joli mot.

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Quand aux aveugles, c'est bien plus simple et terrifiant à la fois. Ils ne voient rien. Pour continuer ce cheminement, je ne m'intéresserait qu'à ceux qui le sont depuis la naissance, et pas de ceux qui le sont devenus suite à un accident ou une dégénérescence rétinienne comme la mienne.
A ce niveau, on peut oublier "ketchup ou mayonnaise" parce que ces deux termes n'ont plus rien à voir, blague à part.
"- De quelle couleur est l'herbe ?" pourrait-on lui demander. Elle vous répondrait sûrement "de quoi veux-tu parler ?" et il faudrait préciser "ce petit végétal qui pousse à même le sol, en feuilles simples à forme de lame de couteau, au toucher un peu rêche, que l'on peut coincer entre deux doigts pour faire un bruit similaire à ceux d'un hibou."
Parce que visuellement, Zilch. Pas d'yeux pour voir, il faut donc bien apprendre ce que sont les choses avec d'autres sens. Reconnaitre le Cis-3-hexen-1-ol (responsable de l'odeur d'herbe coupée), sentir entre les creux de ses empreintes digitales les milliers de petits poils d'une des faces de la lame d'herbe que l'on à en main, écouter le son si particulier qui sort lorsque l'on souffle sur ce brin coincé entre ses pouces et sentir les vibrations qui l'accompagnent.
Et ce n'est pas que l'herbe. le grain particulier d'un meuble ancien, la distance (non pas en mètres mais en enjambées) du couloir, la largeur en longueur de bras d'une armoire, le bruit de pas de son coloc dans l'escalier, l'odeur au petit matin de sa compagne...
Essayez, une fois, de ne serait-ce que vivre les yeux fermés. Pas si facile hein ? Ou sont vos repères ? Lorsque l'on rentre de soirée et que l'on regagne sa chambrée la lumière éteinte pour ne réveiller personne dans la maisonnée, il y a toujours des traces de lumière (que ce soit l'orange et pourpre du ciel parisien ou la lune et les étoiles) et donc des indices. Les aveugles n'ont aucun indice. Aucun.

Mais qu'arrivera-t-il lorsque je serais devenu moi-même aveugle ? Ne me restera-t-il que le souvenir des couchers de soleils sur la mer, du vent qui fait se coucher la cime des pins dans la forêt noire, l'aspect si délicieux d'un gâteau de chocolat noir amer à mi chemin entre moelleux, fondant et poudre Banan*a charbon extra-cameroun (allégée en racisme, s'il vous plait, merci bien), des lumières de Paris se reflétant dans la Seine et faisant concurrence à la pleine lune ce matin de février alors que je rentrais en vélocipède, des nuages au dessus de ma tête ? Et je ne fais là référence qu'a la partie chasse-pêche-nature-et-traditions de ma mémoire visuelle, mais j'emmène avec mes yeux une farandoles de femmes toutes plus belles les unes que les autres.

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Peut-être qu'une fois mes yeux perdus m'autoriseront-elles enfin à caresser leurs visages angevins.


Ecrit par Mr Freeze, à 23:23 dans la rubrique "Corbeille".



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