Taught to play the Autoharp

Ce soir c'est la pleine lune. J'en veux pour preuve le site very-utile.

Je ne me rappelles plus quand j'ai commencé à passer mes nuits de pleines lunes dehors, la tête en l'air, les yeux rivés sur ce globe froid et distant qui réveille pourtant en moi un feu violent.
Toujours est-il que je ne dormirais pas, ce soir encore. J'arpenterais les rues vides, un sourire béat vissé aux lèvres, et mes bras pour seul coupe-vent.
Je hurlerais à la lune, avant d'éclater de rire devant la face ahurie d'un voisin mécontent, pour finir par détaler au pas de course avant qu'il ne descende me ruer de coups de balais. Et puis, un peu plus loin, je referais la même chose, avec un autre voisin.

Je me rappelle, il y a quelques années de cela, une voisine.
Je venais de semer un insomniaque particulièrement persistant, et m'aventurais dans une partie de la ville que je connaissait peu. Il y avait un grand stade, et sur le trottoir d'en face des maisons à colombages. Au premier, il y avait une femme, accoudée sur une balustrade en fer forgé,  les bras nus et la cigarette à la bouche.
Un peu essoufflé, je me suis arrêté et l'ai observé un instant.
Elle était grande, maigre, avec de longs cheveux bruns bouclés, et dans ses yeux mi-clos brillaient mille soleils. J'ai souvent croisé ce regard chez ceux qui s'oublient dans la chimie des cachets et du corps à corps. L'abandon exquis face à la cigarette, le pétillement de la nuit sans rêve et sans sommeil, je lisais tout ça dans ses yeux qui s'étaient posés sur moi. Elle a esquissé un sourire las, comme si elle était trop fatiguée ou trop heureuse pour en faire plus, et je lui ai rendu. Puis j'ai éclaté de rire et avant de repartir avec entrain.

Je ne sais pas pourquoi je me souviens d'elle en cette nuit merveilleuse. Elle ne l'était pas, merveilleuse. Mais son attitude, ce soir là, l'était. En quelques sortes.