Taught to play the Autoharp

Aujourd'hui, je suis passé devant ce qui ne peux être décrit que par le terme de "bidonville", c'est à dire une ville faite avec des bidons. Prenez le métro parisien, ligne 5, et remontez le canal de l'Ourcq vers le nord-est. Allez-y, faites le.

Je suis malade de ce que j'y ai vu.

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Ermite urbain dans sa tour d'ivoire - cocon inexpugnable ou règne la richesse de posséder un home-cinéma, un trou dans le plancher qui communique directement avec la cuisine des voisins (on s'est entendus pour que j'ai la garde du frigo une semaine sur deux) trois canapés en cuir du plus bel effet et je ne sais plus combien d'oeuvres d'art d'artistes aussi anonymes que psychédéliques - je n'ai jamais côtoyé les démunis, les laissés-pour-compte, les oubliés de notre société. Ce que le home cinéma me déblatère à longueur de journée, c'est que la vie est belle, les gens sont beaux (surtout au printemps, oh femmes qui vous dévoilez, mon sang ne saurait se calmer) et tout le monde à droit au bonheur. Mort d'une gendarme jeudi, destruction des bayous de Louisiane (je boycotte BP depuis le 22 avril. Ce que ma carte de fidélité chez eux n'appréciera pas, d'autant plus que j'avais encore 1600 points à utiliser, meeerdeuh), grèves à la SNCF et manifestations des enseignants-chercheurs...
Mais ces gens ont tous un appartement, une télévision, peut être un ordinateur.

Parce que ce que j'ai vu sur le canal de l'Ourcq, ce sont des caravanes dont les fenêtres ne tiennent qu'avec du scotch marron, l'enduit d'isolation ayant pourri. Des maisons faites de planches en taule froissée, maintenues par du fil plastique blanc qui se détache bien sur la rouille du mur. Pour éviter que le vent ne souffle ces abris de fortune (d'infortune ?) sont entassés des bidons vides, des roues de vélo, des boites en carton, des essuie-glaces.

Parce que j'ai vu, en passant sur un pont - fait de métal peint en bleu pâle, avec une chaussée en bitume et un couloir piéton en tek ignifugé et huilé - et en regardant vers le bas, c'était des enfants qui puisaient de l'eau dans l'Ourcq. J'ai eu peur qu'ils l'utilisent pour boire. Mais non, ils l'utilisent pour laver les pare-brise de tous ces gens qui cherchent à rejoindre l'A6. Peut être pour se laver eux-mêmes.

Ma première pensée fut "mais ou ces enfants rangent ils leurs cahiers ? Parce qu'ils vont à l'école, quand même." Je n'en suis même plus sûr.

Et cent mètres plus loin, je croise un groupes de femmes, théoriquement jeunes, que j'ai abordé juste pour le plaisir de discuter avec quelqu'un de mon monde, pour me rassurer, pour vérifier que j'étais toujours dans cette Ville de Lumières, Capitale de l'Amour, Capitale de la Nation des Droits de l'Homme. Si je mets autant de majuscule, c'est parce que j'ai été déçu.
Tout d'abord, ces filles n'étaient pas forcément jolies. Ensuite, elles fumaient. Je maudis les femmes qui fument parce qu'elles sont toujours plus nombreuses (merci métro pour ton article édifiant), ensuite parce qu'elles revendiquent le droit de puer de la gueule et de cracher des molards noirs comme les camionneurs qu'elles ne sont pas; et finalement, le plus grave, parce que ce n'est pas esthétique (opinion subjective). Qui plus est, elles étaient un tantinet fermées d'esprit. Et quand je dis un tantinet, je suis poli. L'esprit grégaire, elles prenaient leur pause (pose ?) clope sept à la fois (de femmes, pas de clopes. Quoique, je ne regardais pas leur bouches).
Lorsque je m'approche et leur dis bonjour, il n'y en a qu'une qui lève les yeux vers moi. Lorsque je leur demande la direction de l'hôpital le plus proche, elles se retournent enfin toutes vers moi. Non pas pour vérifier si je saigne abondamment (elles auraient pu. et d'ensuite aller tweeter partout "aujourd'hui j'ai vu une victime d'agression à l'arme blanche, c'était ouuuf, sa chemise blanche était rose ! LoL XoXo") mais pour me lancer ce regard si particulier qu'on les ruminants lorsqu'ils regardent les trains passer. Vide.
Qui vous regarde mais qui ne vous voit pas. Et l'une de lancer d'un ton sarcastique : "Je sais qu'ici c'est Darty, mais après, rien." Je veux bien qu'un grand philosophe ait dit "je sais que je ne sais rien". Mais est-ce une raison pour se vanter de son ignorance crasse ?

En parlant d'ignorance crasse, pourquoi tous les conducteurs de bus que je croise, lorsque je leur adresse la parole, commencent par m'agresser d'un "Bonjour" insistant, les sourcils froncés et les yeux rivés dans les miens ? Et de répéter "Bonjour" si je ne le leur dit pas, jusqu'à ce qu'on leur consente de leur souhaiter ? J'ai beaucoup de respect pour ceux qui passent leur journée assis dans un trafic pas forcément clément (Paris, tes automobilistes), mais je ne vois pas en quoi il faudrait absolument leur dire bonjour. J'hésite toujours entre "bonjour" et "excusez moi" comme accroche. Pourquoi me pénaliser lorsque j'en utilise une plutôt qu'une autre ?
Sont ils à ce point malheureux qu'il leur faille abuser de leur position d'autorité (et quelle autorité, mon dieu) afin de réclamer un dû qui n'en est pas un ? Retirent-ils un plaisir pervers à jouer les videurs de boite de nuit ? "pas de costard, pas d'entrée. Pas de bonjour, pas d'informations" ?

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Celsius Out.