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Intimités rangées

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Intimités dévoilées

Intimités fraiches
L'enfer, le silence.
--> L'enfer, c'est les autres. -Sartre.
C'est une sorte de tango lent joué par un pangolin.

Il y a pour commencer le silence. L'ouverture. Une fenêtre sur le monde, un soleil nouveau qui coule doucement sur les paupières de la maisonnée endormie. Le bruit de la cafetière, le roulement des discussion à demi-voix et l'odeur du café chaud mêlée à celle du tabac froid de la veille.
Les vrilles et les froissements, le frottement de la toile contre la toile, les petits croissants chauds et les céréales, les restes de gâteaux apéritifs de la veille et les relents d'alcool frelaté forment la première attaque. Le réveil se fait en douceur, mais déjà on sent l'insistance du chef d'orchestre et la trame de fond.
Une fois le rythme installé, différents accords viennent égayer l'avant-plan tandis que des petits groupes se forment. Ici les notes non-fumeuses et là les double-croches fumistes, au milieu les noires paresseuses et sur le bord de la marge les blanches éreintées. Le soleil continue de grimper dans l'azur et les bras se tendent comme pour le rattraper, étirant les minutes en heures et les heures en secondes.
Le premier couplet passé, les choses s'accélèrent. Des valises changent de mains, traversent des fenêtres et finissent dans de grands coffres. De grands mouvements viennent secouer les instruments. Une embrassade ici, une bise par là, une accolade de ce côté. C'est le moment des grandes promesses, de toute façon on se revoit une fois arrivés.

Une fois arrivés. Là-bas. Au loin. Derrière cette colline, une fois que tu as pris à droite du champ et contourné le bosquet en longeant le lac. Dans cet ailleurs imaginaire, cette cité de lumières qu'on ne voit pas resplendir, ni d'ici ni d'ailleurs, d'ailleurs. Après les grandes rivières de larmes et les adieux déchirants il y a un petit moment de flottement, ou les pinsons lancent leur trilles comme pour graver dans le silence leurs notes indélébiles. Le soleil bruisse doucement et les arbres réchauffent l'air de leur odeur lente.
Allez, on embarque. Maintenant qu'on a pris la dernière bouffée d'air pur et frais, maintenant que les bagages sont dans le coffre et qu'on a dit qu'on se reverrait, maintenant que tergiverser ne sert plus à rien, on est face au précipice du départ. Autant sauter à pied joint en se donnant la main. La portière claque comme une condamnation sur le bureau du juge. L'espace s'est refermé sur lui même, il y a une cuisse chaude sur le jean bleu et le ciel bleu contre la chemise nuageuse. Le moteur prend vie et son bruit remplace tout son.
On est partis. Ces mots n'ont pas d'impact, aucune importance, puisqu'on se revoit une fois là-bas. D'ailleurs, c'est où là-bas ? De là-bas, c'est où ailleurs ? On contourne une église et voilà qu'on ne les voit plus, mais on les imagine encore, agitant les bras et courant derrière la voiture qui semble s'enfuir, monstre d'acier et de technologie coupable de les abandonner au soleil et à la nature.
On entre sur la quatre-voix et il n'y a plus que nous dedans. Nous cinq coincés dans un petit habitacle avec des petites lucarnes sur tous les côtés qui nous montrent un monde que nous ne regardons même pas. On invoque des noms, des références, des citations et des comparaisons pour faire paraitre le temps long. Mais déjà on arrive au périphérique et c'est comme si on plaidait pour sa vie. Prenez ce que vous voulez je vous en conjure, prenez cette première à droite et la troisième à gauche, prenez tout droit après le rond point s'il le faut mais ne me prenez pas cet instant.
La voiture s'arrête au stop, l'hésitation la fait se cambrer un instant. oui, oui, c'est ici. Pas la peine de me rapprocher, vous allez avoir du mal pour repartir. Le temps de descendre mes paquets et tu prends la prochaine à droite, tu pourras rejoindre la grande avenue, et à partir de là c'est plus mon affaire. Allez, à la prochaine.

Il y a une dernière note Crescendo puis Smorzando, tandis que la voiture dépasse et tourne. Le roulis des petites roues de bébé sur le macadam de papa. Les sursauts de la clef dans la serrure, le grand fracas d'un corps sur le lit.

Et puis plus rien.
Ecrit par Mr Freeze, à 14:14 dans la rubrique "Classeur".

Commentaires :

  jessicaB
jessicaB
31-08-11
à 09:00

toujours zery good. Et l'évocation de Sartre devant tes "Intimités rangées" m'a fait songer au titre "Morts sans sépulture"...pour le contenu de l'opus en question c'est évidemment tout autre chose.
Répondre à ce commentaire

  Celsius42
Celsius42
31-08-11
à 10:45

Re:

J'avoue ne pas avoir lu Sartre.

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