Taught to play the Autoharp

J'ai viré mon colocataire. Ou plutôt mon locataire. Je suis propriétaire de mon appartement, et généreux de nature. Il est venu un jour me raconter que sa copine avait changé les serrures et posé toutes ses affaires devant la porte, avec un mot : "J'ai aussi fait changer les serrures de mon coeur."
Quelle poésie.

Toujours est il qu'il était donc là, effondré sur mon fauteuil, mettant de la bave et de la morve sur les accoudoirs en cuir noir, me racontant qu'il dormait dans sa voiture et que ses affaires étaient dans un de ces boxes à louer, qu'il ne pouvait pas rentrer chez ses parents puisqu'ils étaient partis pour un tour du monde en bateau d'un an, que les cordes ne s'appellent pas des cordes mais des bouts, qu'il était lui même à la corde, à bout, enfin tu comprends quoi mince on était si bien ensemble à part elle qui faisait ci et ça et puis après il y a eu...

J'ai deux chambres dans mon appartement. Trois si on compte le bureau. Utile quand j'organise une fête ou que des amis sont de passage sur paris et cherchent une auberge pas chère. Je lui ai donc proposé d'emménager, le temps que ses parents rentrent de leur voyage, peut être plus.
Il a immédiatement accepté, et j'ai donc posé quelques règles simples mais absolues. Je ne sais plus ou j'ai lu qu'une république fonctionnait mieux si elle avait peu de lois bien appliquées, plutôt qu'un grand nombre, toutes violées (La loi sur la fessée, ça en est ou ?).
Le point important, c'est qu'il était un invité semi-permanent, et que par conséquent, c'est mon rythme de vie qui primait. Bien sûr, je suis un hôte des plus charmants, mais le semi-permanent change tout. Tout.

Il avait donc la chambre d'amis et ses placards pour lui tout seul, un double des clefs, la moitié des étagères du réfrigérateur et une brosse à dent bleue (Pour les amis qui passent régulièrement, j'ai une brosse à dent de chaque couleur. Heureusement qu'ils ne sont que trois).

Nous avons donc commencé à cohabiter, et au début tout allait bien. Au début il était chez moi. Et puis, le temps et les habitudes faisant, il s'est senti chez lui. Ca commence doucement. Tout d'abord, un ou deux dessert passent de ses étagères aux miennes. Une fois la tête de pont établie, leurs confrères commencent à migrer, si bien que sur les quatre étagères du réfrigérateur, il ne m'en reste qu'une. Première mise au point. Le rappel de l'ONU ayant fait effet, je reprends mes droits sur les territoires annexés. Et puis, très vite, le même cirque recommence. Avec une diversion. La bouteille de lait qui reste sur la table. au bout d'une semaine, rappel à l'ordre. le lait, dans le frigo, et fermé.
Et puis ses affaires ont commencé à sortir de sa chambre. Je ne parle pas de sa guitare dans le salon avec les amplis, non, je parle des chaussettes sales. Des caleçons, sales aussi. De ses sacs à bandoulière qui trainent dans l'entrée, si bien qu'on s'y prend les pieds.
Troisième rappel, donc, avant sanction. Et le voilà qui grogne :
"- Mais allez, c'est bon... le sac, suffit de le pousser du pied. Tu fais pareil avec les chaussettes et puis voilà, je m'en occuperais quand j'aurais le temps.
- Tu veux pas non plus que je te fasse tes machines et ton repassage ? Ici c'est chez moi, et j'aime ne pas trébucher sur un sac quand je rentre après le boulot. J'aime voir la cuisine propre avant de cuisiner, les couloirs vides. Je t'ai laissé une chambre pour y foutre tout le bazaar que tu veux, et je vois que tu t'y es bien pris, étant donné que la porte est grande ouverte parce que tu la coinces avec une serviette en boule.
- Nan mais t'inquiète, va, je fais tourner des lessives, hein. Et puis bon, t'es pas parfait non plus, hein. Quand tu prends du sirop et que tu m'en proposes pas, c'est une marque d'individualisme. Tu pourrais proposer, quand tu prends une glace, aussi. Non pas que j'en veuille forcément une, mais pour la forme. T'es vachement individualiste, comme mec."

C'est la meilleure. Je suis. Chez. Moi. LE MIEN, MON PRECIEUX !
Je sais que je peux être parfois très maniaque. très très maniaque. Mais là, comme une mauvaise maladie qu'on voudrait mettre en quarantaine et qui s'échappe, il envahissait mon espace vital (à peu près 200m carrés) le plus intime, sacré et personnel. Mon chez moi. Mon territoire. Ma tanière.
Sachant tout cela, j'ai voulu lui donner une deuxième chance (je me rends compte maintenant que dès cet instant il avait échoué à mes yeux). Ca n'a pas marché.

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Maintenant, je ne cherche pas forcément de colocataire. Mais cette expérience m'en a appris beaucoup sur mes attentes. Il me faut donc :

• Quelqu'un.
• Quelqu'un de rangé (par opposition à désordonné)
• Quelqu'un de rangé et sympathique (pour la communication)
  
• Quelqu'un de rangé, sympathique et tolérant (pour mes petits travers)
  
• Quelqu'un de rangé, sympathique, tolérant et posé (pour défendre ses positions sans m'énerver)
• Quelqu'un de rangé, sympathique, tolérant, posé et féminin (pour la touche de douceur)
• Quelqu'un de rangé, sympathique, tolérant, posé, féminin et avec un bon sens de l'humour (pour les longues soirées d'hiver)
• Quelqu'un de rangé, sympathique, tolérant, posé, féminin, avec un bon sens de l'humour et de l'originalité (pour la fraicheur)
• Quelqu'un de rangé, sympathique, tolérant, posé, féminin, avec un bon sens de l'humour, de l'originalité et des passions (pour le dimanche)
• Quelqu'un de rangé, sympathique, tolérant, posé, féminin, avec un bon sens de l'humour, de l'originalité, des passions, et la notion de Territorialité.