Taught to play the Autoharp

"quand quelqu'un commence à me parler de ses rêves, je sors mon flingue. Ca m'ennuie et surtout ça n'existe pas."

Lorsque j'écris quelque chose que j'ai imaginé, ça n'existe pas non plus n'est-ce pas ? Déjà le doute est là. Si je vous raconte l'histoire de Marsouin le Martien, c'est un mensonge éhonté. Je ne connais pas Marsouin ni son histoire, et pourtant elle est là sur mon bureau, en pattes de mouches violettes sur une feuille pomme. Son histoire vous ennuierai-t-elle si je vous la racontais ?

Dans "Le Monde selon Garp", le héros écrit ce qu'il appelle une fiction réelle, une réelle fiction; à propos d'un gros chien dans une ruelle, attaché par une chaine. Lorsqu'un petit chaton passe à sa portée, le chien se rue dessus et brise sa chaine dans on élan. Mais ce n'est pas très réaliste. Alors l'auteur change de chien. Un plus petit, avec une chaine rouillée. Mais un petit chien n'attaquerais pas un chat d'une taille comparable à la sienne sans raison. Alors le chat est un vagabond bagarreur. Et le chien ne s'est pas jeté dessus, il lui a juste aboyé à la figure.
Voilà ce que j'admire chez Garp. Amender son texte, le corriger au fur et à mesure, insinuer le doute dans l'esprit de son interlecteur. Après mille retouche, voilà une histoire qui frappe les esprits. "Ca sonne tellement juste, tellement vrai, on dirait du vécu." pensera le lecteur. Et moi, je verrais toute l'horreur de ce que j'ai fait.

J'aurai manipulé la réalité.

Parce que lorsqu'on écrit du fantastique, de la science-fiction ou du merveilleux, le contrat est passé d'emblée. Ce que je vous raconte n'a aucune chance d'exister, mais faites donc comme si, ce sera plus agréable. Moins ennuyeux. Tandis que la fiction, ancrée dans le monde réel, laisse planer le doute. Et c'est la toute la nuance. Le doute est la petite porte par laquelle je m'introduis dans l'esprit de mon lecteur, file à la cave et attaque les fondations de sa raison. C'est la que commence le travail de sape qui fait s'effondrer la limite entre le réel et l'imaginaire. L'ennuyeux ?
Mais vous savez peut être comment reconnaitre un mensonge ? Aux détails. J'ai vu récemment Inception. Ou les protagonistes évoluent dans l'univers du rêve. Un rêve construit de toute pièces. Et comment se rend-on compte que c'est un rêve ? Aux détails. Ces petits riens qui font tout. Ces tout petits bouts d'informations complètement inutiles, telle la couleur de la laisse, la texture du tapis, l'agencement des tâches sur la fourrure du félidé.
Je me souviens ainsi d'un autre film, à propos de propagande.

"- C'est comme cette histoire fuligineuse à propos d'un bombardier B59 qu'on produirait. Vous avez entendu parler du B59 ?
- Quel B59 ?
- Qu'est ce que vous venez de dire ?
- Et bien, vous parliez d'un bombardier que notre pays serait en train de produire...
- De quoi vous parlez ? J'ai dit quelque chose sur le B59 ? Mais ça n'existe pas le B59 enfin ! Tout le monde connait le B52 et le phantom mais jamais personne n'a entendu parler du B59, d'ou pouvez vous donc sortir une idée pareille ? C'est complètement invraisemblable !
- Mais vous venez juste de...
- De quoi ? vous êtes sûr que vous avez bien entendu ce dont je parlais ? Vous n'avez pas confondu les chiffres par hasard ? Parce que je peux vous jurer la main sur le livre saint que je n'ai jamais parlé d'autre chose que du bombardier B52 que l'on produisait. A moins que vous n'ayez d'autres sources dont on ait pas entendu parler. Voyez, messieurs, comment nait une rumeur."

Bien sûr, le dialogue n'est pas exact, mais cet homme corpulent à réussi à sortir une information et faire croire à tous les témoins présents et conscients qu'il n'avait rien dit ou presque. Avec force détails (Je me souviens aussi d'une scène où ils prenaient une fille, lui mettaient un paquet de chips dans les mains et le remplaçaient par un chat avec leurs ordinateurs, pour ceux qui pourraient me retrouver le titre avec ces quelques bribes d'information). Ce qui rebondit sur ces expériences comportementales ou des personnes à qui l'ont montrait deux lignes de tailles clairement différentes défendaient envers et contre tout que la plus petite était la plus longue parce que lorsqu'on leur avait demandé de choisir, ils étaient entourés de plusieurs personnes qui affirmaient que la plus petite était la plus longue. Et certains de soutenir mordicus - avec force raisonnements et justifications - lorsqu'on leur expliquait que ces gens étaient des comédiens censés les induire en erreur.

"Les gens pensent que j'ai arrêté de mentir. Je suis juste devenue meilleure."
Finalement, l'écriture c'est ça. Trouver un mensonge et le parer des détails qui vont en faire une vérité. La vérité n'est qu'un mensonge qui se travestit. J'ai beaucoup ri quand on m'a expliqué que les sabres lasers étaient "techniquement possibles : le champ magnétique qui retiens le plasma n'est qu'une extrapolation de théories connues depuis un bout de temps." C'est vrai pourtant. On sait ce qu'est un champ magnétique, du plasma, et on sait comment obtenir les deux. Il y a juste un détail qui manque. La possibilité de les utiliser comme on l'entend. Alors, tant que ce détail purement physique et bassement matérialiste ne sera pas résolu, les sabres lasers resteront un ridicule mensonge.

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Encore une fois, j'ai morcelé ma réflexion, et en reprenant cet article je ne sais plus du tout ce que je voulais dire. Enfin si :
Les écrivains sont tous des menteurs. Je suis écrivain. Je suis donc menteur. Scripto ergo mentirio.

Je le publie malgré tout, histoire de voir. Si quelqu'un peut retrouver le titre du film.